Vente des domaines nationaux - Château de Coubert
Patrimoine

La vente d’un bien national – Le château de Coubert

Cet article constitue un complément aux deux précédents publiés sur ce blog au sujet du château de Coubert.

Il s’inscrit également dans le cadre du Challenge d’écriture organisé par l’association de généalogistes familiaux UPro-G.

Le sujet du mois d’octobre 2025 est « la vente d’un bien national ».

LES BIENS NATIONAUX

À la veille de la Révolution française, dès le 2 novembre 1789, la Constituante, placée devant une situation financière difficile, décrète que certains biens sont à la disposition de la nation.

Ces biens se divisent en deux catégories :

  • Les biens de « première origine »: les biens du clergé régulier et séculier, du roi, princes, administrations…
  • À partir du décret du 27 juillet 1792, les biens de « seconde origine » : émigrés, condamnés prêtres exilés…

LES ÉMIGRÉS

De nombreuses personnalités quittent le pays en raison de leurs divergences politiques avec les événements en cours, ainsi que par souci de leur sécurité personnelle.

Olivier Samuel Jacques Bernard, comte de Coubert, petit-fils du grand financier Samuel Bernard, émigre en Suisse en 1791.

En vertu de la loi du 8 avril 1792, et de l’arrêté du département de Seine-et-Marne du 8 avril 1793, Olivier Bernard est déclaré émigré et le château de Coubert, Bien National.

LE PROCÈS-VERBAL D’EXPERTISE

Le 4 août 1799, Michel Joseph Augustin BONNARD, arpenteur, est nommé expert pour procéder à l’estimation en revenu annuel et en capital valeur de 1790, des biens nationaux provenant de l’émigré BERNARD.

Vente de biens nationaux – Coubert – AD77 Cote 1Q1248

Ce procès-verbal d’expertise en date du  3 novembre 1799, détaille l’ensemble des biens du domaine de Coubert : château, parc, avant parc, jardins, potagers, orangerie, cour et basse-cour, et tous les autres biens en fermes, moulins, et maisons d’Olivier BERNARD.

Plan cadastral de Coubert – 1808 (Détail) – AD77 Cote 4P36-493

1-LA GRANDE AVENUE

De la grande route de Paris à Provins, une première grille encadrée par deux petits pavillons carrés, permet l’accès à la propriété.

Photo V.Aveneau – Octobre 2025

Ces pavillons servaient de logements de domestiques.

Description du rapport

« Couverts d’ardoise en mansarde, ces pavillons servent de logements de domestique. Il est distribué en bas d’un chauffoir, chambre à côté, deux chambres hautes et par derrière le pavillon une vacherie.

La grande avenue  mène à une seconde grille ouvrant sur l’avant-cour du château fermée de grilles, avec de grands pavillons positionnés aux angles.

Description du rapport

« Une grande avenue  mène à la seconde grille près de l’avant-cour et les grands pavillons : grande et forte grille en fer, un canal de chaque côté de la grille, les quatre canaux formant un demy cercle avec parapets servant d’ornements, la cour est en partie pavée et autre partie en  gazon de verdure. A l’intérieur de cette avant-cour : quatre grands pavillons carrés à chaque angle de la cour reliés par un mur de briques apparentes avec appuis en graisserie servant d’ornement et de clôture à l’avant-cour. Une ouverture dans ces murs permet d’aller à droite à la basse-cour, à gauche fermée d’une grille pour aller à l’orangerie.« 

Estampe représentant le château de Coubert au XVIIIème siècle
1898-Estampe représentant le château de Coubert à la fin du XVIIIème siècle – AD77 Cote 6F919-1
Plan cadastral de Coubert – 1808 (Détail château – Localisation des bâtiments) – AD77 Cote 4P36-493

2-LES PAVILLONS DE L’AVANT-COUR

Le premier pavillon à droite (a) sert de logement au citoyen Jambon, gardien des bâtiments et dépendances du château.

Description du rapport

« Il est composé au rez-de-chaussée d’un grand chauffoir, cuisine, et d’une petite chambre, le tout plafonné et carrelé, cave dessous, au premier étage, deux chambres sans cheminées l’entresol au second étage deux chambres à feu et l’entresol au troisième étage dans la mansarde deux chambres à feu et un cabinet, couverture en ardoise. Au bout de l’escalier qui est à rampe de fer sont des commodités. L’entrée au pavillon se fait par un gradin de pierre de lierre pour monter au rez-de-chaussée, ouverture à deux vantaux. »

Le second pavillon à droite (b) identique au précédent. On y trouve une chapelle.

Description du rapport

Une chapelle avec deux tribunes avec balustrades et appuis en fer doré. La chapelle est carrelée en pierre de lierre ornée de différents tableaux, un autel avec gradin de bois plaqué. Derrière l’autel un escalier à rampe de fer pour monter aux tribunes. Cave en dessous. Au-dessus de la chapelle dans la mansarde, une chambre à feu et deux cabinets à l’entresol.

Le troisième pavillon à gauche (c) en entrant dans l’avant-cour comporte des chambres.

Description du rapport

« Il est distribué en bas en deux chambres à feu, un cabinet et d’entresol, cave en dessous, escalier à rampe d fer pour monter aux chambres hautes dont une à feu et deux cabinets. Au second étage deux chambres à feu dont une grande garnie de boiseries, un cabinet et un corridor. Le troisième étage en mansarde deux chambres à feu et un cabinet. Au bout de l’escalier sont des latrines. »

Le quatrième (d) de même configuration extérieure, possède une salle de billard.

Description du rapport

« Il est distribué en bas par une salle de billard garnie de boiseries ornée de tableaux, carrelé en pierre de lierre entresol aussi boisée et escalier à rampe de fer. Au premier étage une grande chambre à feu plafonnée parquetée et boisée, chambranle de marbre à la cheminée plusieurs cabinets aussi plafonnés et boisés. Au second étage une chambre à feu et trois cabinets pour domestiques. Au bout de l’escalier, des latrines. »

Au coin de chacun des pavillons, un support en fer porte un réverbère.

3-LE CHÂTEAU

Le château se compose de deux grands corps de logis, l’un devant l’autre derrière avec deux tours au bout de chacun. Cour pavée au milieu. Le château est entouré de grands fossés d’eau vive avec deux ponts à arches, un donnant sur l’avant-cour, le second sur le parc avec appuis et grilles de fer des deux côtés du pont.

L’entrée du château est fermée d’une grande grille de fer au bout du pont de devant.

Premier corps de logis

Premier pont d’accès au vieux château – Tours d’angle du premier corps de logis – AD77 Cote 2FI1384
Tour de gauche – AD77 – Cote 2FI1363
Description du rapport

« Le premier corps de logis comporte au rez-de-chaussée à droite une grande chambre à feu qui sert de lingerie, dans la tour à la suite, une autre chambre qui sert aux archives. A gauche de l’entrée, une grande chambre à feu chambranle de marbre et plusieurs cabinets parquetés, plafonnés et boisés.

En descendant aux fossés sont les cuisines, offices, resserres et entrée d’un souterrains qui communique avec le corps de logis arrière.

Au premier étage auquel on monte par un grand escalier a rampe de fer est distribué en quatre grandes chambres à feu chambranle de marbre, salle à manger et plusieurs cabinets, le tout plafonné parqueté et boisé, croisé à double châssis à verre et balcons de fer.

Au second et dernier étage cinq chambres à feu et plusieurs cabinets, corridor, le tout carrelé partie boisée et plafonnée. Au bout de l’escalier sont des latrines. Corps de bâtiment couvert en ardoises ainsi que les deux tours. »

Second corps de logis

Second pont et tour de gauche du second corps de logis – AD77 Cote 2FI1391
Second pont et tour de droite du second corps de logis – AD77 Cote 2FI1373
Description du rapport

« Le second corps de logis par derrière auquel on entre par une grande portée vitrée ouvrante à deux vantaux dans le vestibule au milieu du corps de logis.

Au rez-de-chaussée dans le vestibule en face autre porte de bois peint couleur d’acajou ouvrant à deux vantaux dont l’ouverture donne sur le pont arrière qui communique avec le parc. A droite du vestibule un grand salon à feu chambranle de marbre dans la tour une chambre à feu avec pareil chambranle et plusieurs cabinets le tout parqueté plafonné et boisé ; A gauche une grande salle à manger et à feu chambranle de marbre ornée de tableaux chambre dans une tour et plusieurs cabinets le tout carrelé de pierre de lierre, boisé et plafonné, croisées à double châssis à verre et balcons de fer.

En descendant aux fossés, des souterrains, basses fosses et prisons.

Au premier étage auquel on monte par un grand escalier de pierre de lierre et rampe de fer. A droite trois chambres dont deux à feu et plusieurs cabinets parqueté, boisé et plafonné , croisées à double châssis à verre et balcons de fer, à gauche deux grandes chambres à feu chambranle de marbre un grand salon et plusieurs cabinets parqueté, boisé et plafonné , croisées à double châssis à verre et balcons de fer.

Au second et dernier étage sept chambres dont trois à feu, plusieurs cabinets et garde robes, un corridor sur toute la longueur le tout parqueté, boisé et plafonné, le surplus carrelé en carreaux de terre cuite et tapissé en papier peint.

Le comble est couvert d’ardoises.« 

4-LA BASSE-COUR

La ferme regroupe des écuries, potager, logements de domestiques.

Description du rapport

« A droite de l’avant-cour, écuries avec greniers au-dessus.

Entre les écuries et l’ancien potager corps de bâtiment composé au rez-de-chaussée d’un chauffoir et un fournil qui sert de logement au jardinier, le surplus en vacherie, au-dessus, sous combles, des chambres de domestiques dont deux à feu.

De l’autre côté de la grille de l’ancien potager un autre corps de bâtiment distribué en bas en une laiterie, une vacherie et des resserres, au-dessus des chambres de domestiques dont une à feu.

Autre bâtiment avec un ancien fournil des remises,  puis un puits, un hangar en appentis par poteaux par devant et couverture en tuiles.

De l’autre côté de la basse-cour, remise de trois travées et grenier au-dessus. Au dehors de la basse-cour, sur le côté droit derrière les écuries se trouve un colombier de pied garni de son échelle tournante, couvert en tuiles et lanterne en ardoises au-dessus. »

Tour et pavillon de chasse- Collection CPA V.Aveneau
Début XIXème siècle – Cour de ferme, puits – AD77 Cote 2FI17595

5-L’ORANGERIE

On accède à l’Orangerie par une grille à gauche de l’avant-cour.

L’Orangerie – Collection CPA V.Aveneau
Description du rapport

« Un terrain de verdure reçoit les orangers en caisse (au nombre de 128) au milieu duquel un grand bassin en pierre et un réservoir d’eau qui sert à arroser les orangers.

Au bout de ce terrain, un vaste bâtiment très élevé, voûté et plafonné sert à mettre les orangers dans la saison d’hiver. Il est éclairé par treize grandes ouvertures sur la face et devant au midi dont quatre grandes portes vitrées et neuf grandes croisées le tout à double châssis à verre un bassin dans le bâtiment rempli d’eau servant à arroser les orangers, greniers au-dessus couverts d’ardoises. »

LA VENTE

Les décrets des 19 décembre 1789 et 17 mars 1790 fixent les modalités de vente de biens nationaux dans le but de résoudre  la crise financière du pays .

Le domaine de Coubert a fait l’objet de deux enchères à la bougie distinctes, séparant le château et son parc clos de murs et les bois attenants.

La vente à la bougie est une forme d’adjudication particulière qui consiste à enchérir tant qu’une bougie reste allumée. Les enchères cessent dès que la bougie arrive à son terme.

Vente de biens nationaux – Coubert – AD77 Cote 1Q1248

1ère partie : château et parc.

Une première séance d’enchères commence le 19 vendémiaire an VIII (11 octobre 1799).

Les enchères sont ouvertes sur la somme de 330 400 frs.

La première enchère est portée par le citoyen DETIENNE à un million de francs.

Des offres sont proposées successivement jusqu’à la dernière par Pierre Honoré BARBEREAU au montant de 3 335 000 frs, pour et au nom de Victor BODIN, entrepreneur général du service des vivres de l’armée d’Italie.

Un deuxième feu a été allumé. Il s’est éteint sans nouvelle enchère. Victor BODIN est le dernier enchérisseur des biens de la 1ère partie du 17ème lot.

Vente de biens nationaux – Coubert – AD77 Cote 1Q1248

La 2ème partie du lot est composée d’un ensemble de bois taillis, arbres de haute futaies, de réserve et baliveaux et les terres en dépendantes enclavées dans ses murs, estimés à 64 792 francs.

Les enchères commencent le 19 vendémiaire an VIII (11 octobre 1799).

Quatre bougies sont allumées, avec de nombreuses offres. Le dernier enchérisseur des biens de la 2ème  partie du 17ème lot est à nouveau le citoyen Pierre Honoré BARBEREAU, au nom et pour le compet du citoyen Victor BODIN. Son offre est au  prix de 105 000 francs.

L’ensemble du domaine n’a ainsi pas été morcelé. Par contre, le château a été peu à peu démantelé pour récupérer et vendre les matériaux, jusqu’en 1820.

Le site est resté alors figé dans le temps, passant dans les mains de plusieurs propriétaires au courant du XIXème siècle, jusqu’à l’édification en 1899 du nouveau château néo-gothique encore en place de nos jours mais inoccupé.

Voir les deux premiers  articles :

Le château de Coubert par les plans

Le nouveau château de Coubert de la fin XIXème

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