
Une femme patriotique
Mes recherches généalogiques familiales m’ont amenée sur les terres bretonnes avec une famille Thuliez vivant à Brest au milieu du XIXème siècle, mais originaire de Béthune et Chocques (Pas de Calais).
Cherchant l’origine du nom dans le Nord de la France, j’ai croisé le chemin de Louise Marie Thuliez. J’ai découvert une femme avec une implication patriotique remarquable. Je souhaite par cet article partager le résultat de mes recherches, que les gens du département connaissent sans doute.
Enfance
Louise Thuliez naît à Preux-au-Bois (Nord), le lundi 12 décembre 1881.
Elle est la fille aînée de Charles-Hubert Thuliez, instituteur adjoint et Ursule Florence Renaud, ménagère. Ils sont âgés de vingt-quatre et vingt- deux ans à sa naissance.

Acte de naissance de Louise Thuliez – AD 59 – Cote Mi EC 475 R 001
Trois ans plus tard, le 19 février 1984, son frère Nestor Joseph naît à Préseau et le 15 février 1886, sa sœur Aubertine Marie naît à Haussy.
Les trois communes de naissance sont situées dans un rayon de trente kilomètres autour de Valenciennes et Cambrai (Nord).
Ils passent leur enfance à Maubeuge où Louise dévore les livres qui parlent des grands actes d’héroïsme de la guerre de 1870.
La première guerre mondiale
En 1914, Louise, trente-trois ans, est institutrice à Lille. Pendant les vacances d’été, elle se rend à Saint-Waast-de-Vallée ; un petit village situé à proximité de la frontière belge.
Le 2 août le décret de mobilisation générale est publié. Trois semaines après, dès le 23 août le village voit passer des soldats anglais, écossais ou encore irlandais en retraite après la défaite de Charleroi. Ce jour, le destin de Louise bascule.

La résistance
Louise devient la collaboratrice d’Edith Cavell, infirmière britannique qui dirige en ce début de guerre une clinique militaire et une école d’infirmière à Bruxelles.
Avec un courage et sang-froid, voyageant de nuit, les deux femmes parcourent des centaines de kilomètres, recueillent, ravitaillent et cachent des soldats français et anglais retenus dans les lignes ennemies.
Elles parviennent ainsi à sauver près de 250 soldats réfugiés dans les bois occupés, menacés d’être fusillés à toute seconde. Elles les arrachent à la captivité, sinon à la mort, et au prix de mille dangers, les guident vers le château de Bellignies. Grâce au dévouement de la propriétaire des lieux ; la princesse Marie de Croÿ, les fugitifs sont acheminés sur Mons et Bruxelles et, par étape, gagnent la Hollande pour rejoindre ensuite le front allié et leur poste de combat.

Source : https://villesetvillagesdel’avesnois.org
L’arrestation
Louise continue son devoir avec dévouement jusqu’à son arrestation le 2 août 1915 par des policiers allemands, à Bruxelles, en même temps que ses amis de combat. Ils sont emprisonnés à Saint-Gilles. Le procès débute le 7 octobre 1915 avec trente-quatre autres accusés.

Prison de Saint-Gilles (Bruxelles, Belgique) construite entre 1878 et 1884.
Louise Thuliez est accusée de haute trahison et le procureur requiert le 11 octobre la peine de mort contre elle et sept autres personnes.
Tandis que Mlle Cavell voit sa sentence être exécutée sous les balles allemandes, la jeune française voit sa condamnation différée par l’intervention du roi d’Espagne. Sa peine de mort est commuée en celle des travaux forcés à perpétuité.

Louise est alors internée dans la prison de Siegburg, près de Bonn (Allemagne), avec la princesse de Croÿ, Louise de Bettignies. Ensemble, elles continuent le combat en prison menant des rébellions au risque de leur vie. Elle y reste trois longues années, jusqu’à la fin de la guerre.
Louise est délivrée par les révolutionnaires allemands le 8 novembre 1918.
Elle arrive, deux jours plus tard à Saint-Waast-la-Vallée. Elle intervient auprès de Georges Clemenceau pour demander une décoration pour ses compagnons de lutte. Il accède à sa demande

Localisation des lieux
L’entre deux guerres

Louise reçoit par arrêté du 14 mars 1919 : la Légion d’honneur et la Croix de guerre avec palme .
En 1919, elle crée une Association des prisonniers politiques français pour venir en aide aux nombreux rescapés des prisons allemandes qui rencontrent des difficultés.
Louise Thuliez reprend des études et passe une licence de sciences.
L’institution Louise Thuliez
En 1924, elle prend la direction d’une institution de jeunes filles, au 112 avenue de gravelle à Saint-Maurice (Val-de-Marne), en bordure du Bois de Vincennes,.
Le pensionnat est entièrement réorganisé par ses soins présente les meilleures conditions d’hygiène et de confort ; les enfants y trouvent une sollicitude maternelle très appréciée et une défense certaine contre toute maladie.
Institut Louise Thuliez – Avenue de Gravelle – Saint-Maurice (Val-de-Marne) / En-tête correspondance
Ses vingt-cinq ans de carrière, dont plusieurs à l’école normale catholique de Lille, ont développé son approche psychologique éducative ; ses méthodes modernes lui valent de beaux succès pédagogiques.
L’enseignement accompagne les enfants du plus jeune âge jusqu’au baccalauréat.
Des élèves sont accompagnés à Paris pour suivre des conférences, visiter des musées et monuments. Ils sont sensibilisés à la vie artistique.
L’institut reste ouvert pendant les vacances pour les jeunes filles qui désirent visiter la capitale. Des cours sont organisés pour la préparation des examens
Mais au cours de l’année scolaire 1929, le nombre d’élèves insuffisant a créé à l’institution une situation assez inquiétante. Mme la baronne Antoine d’Hérail de Brisis, présidente générale et fondatrice du Cercle National Français, lance, dans le journal l’Intransigeant, un éloquent appel en faveur de la maison d’éducation :
«Envoyer à Louise Thuliez des élèves, petits et grands, français ou étrangers,
c’est accomplir un simple devoir d’humanité de reconnaissance et de justice »

Louise Thuliez publie ces souvenirs en 1933 sous le titre « Condamné à mort », avec une préface du général Weygand. Elles ont été traduites en anglais en 1934.
Le 6 juillet 1934, Louise est reçue Officier de la Légion d’honneur, en qualité de directrice d’institution libre de jeunes filles.

Enquête de moralité par le ministre de la guerre, Philippe Pétain, pour l’admission dans l’ordre de la Légion d’honneur

Louise Thuliez, honorée par le général Weygand en 1935.
Elle a demandé par courrier d’avoir pour parrain le général Dejussieu-Pontcarral,
Pierre Dejussieu-Pontcarral, né le 14 février 1898 à Lyon et mort le 1er août 1984 à Paris, est un général, résistant et déporté français, compagnon de la Libération. Il combat lors de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. Il est l’un des chefs de la Resistance intérieure française, à la tête de l’Armée secrète.
La seconde guerre mondiale
En septembre 1939 au début de la 2nde guerre mondiale, Louise Thuliez crée les « Foyers du soldat » et dès 1940, rejoint une nouvelle fois la résistance en faisant passer en Afrique du Nord et en Angleterre plusieurs milliers de soldats français et alliés. Elle ravitaille aussi en médicament le maquis des Glières et les maquis du Puy-de-Dôme et de la Savoie.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle retrouve sa ferveur patriotique et participe activement à la résistance française, aidant davantage de soldats anglais et français à se mettre en sécurité et recevant l’Ordre de l’Empire britannique.
Commandeur de la légion d’honneur
Par décret du 25 février 1949, Louise est promue au grade de commandeur de la Légion d’honneur au titre de la défense nationale avec comme souhaité le maréchal Dejussieu-Pontcarral.

Décès de Louise Thuliez
Louise décède le lundi 10 octobre 1966, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, à l’hôpital Saint-Joseph, 1 rue Pierre Larousse, Paris 14ème. Elle était alors domiciliée au 21 boulevard de la Tour Maubourg, Paris 14ème. Elle est restée célibataire.
Elle est enterrée le 15 octobre 1966 à Saint-Waast-la-Vallée où ses funérailles sont célébrées.

Faire-part de décès de Louise Marie Thuliez

Acte de décès de Louise Thuliez – AD75 – Cote 14D561

Arbre généalogique

Localisation des communes
La poursuite de mes recherches généalogiques personnelles montrent que le patronyme Thuliez est présent dans le Pas-de-Calais depuis le milieu du 17e siècle.
Les ancêtres de Louise sont quant à eux originaires des alentours de Cambrai dans le département du Nord.
De prochaines recherches révéleront peut-être des origines communes, malgré les soixante-dix kilomètres qui les séparent ?
Sources :
Base Leonore – Louise Thuliez – n° de la notice c-319613
Gallica – Grand Echo du Nord du 28 mars 1919
Retronews – L’Intransigeant du 3 juillet 1929
Site faithinwartime – Article du 8 mars 2015 – Photos devant prison de Siegburg et avec décorations
Site si,si les femmes existent – Article du 23 novembre 2016 – « Louise Thuliez, Enseignante, militante et résistante française » – Portrait en médaillon
Site pupille-orphelin.fr – Article du 11 janvier 2023 – Serge Clay – Louise Thuliez Héroïne des deux guerres mondiales


2 commentaires
Noëline Visse
Quelle vie extraordinaire ! Merci de nous partager la vie de Louise dans cet article très bien documenté 🙂
Noëline Visse
Quelle vie extraordinaire ! Merci de nous partager la vie de Louise dans cet article très bien documenté 🙂