
Le foncier au XIXème siècle à Brunoy – partie 1
La commune de Brunoy est située a une vingtaine de kilomètres au sud-est de Paris, dans le département de l’Essonne.
Nous allons nous intéresser à l’évolution d’un ensemble de parcelles situé au centre-ville, à l’angle des rues actuelles du réveillon et du donjon, donnant sur la place Saint-Médard.
Cette première partie du blog concerne essentiellement le cadastre au XIXème siècle.
La consultation du cadastre et des matrices cadastrales des archives départementales de l’Essonne permet de recueillir les premières informations sur la nature des parcelles et leurs différents propriétaires.
LE DOMAINE DE BRUNOY
En 1722, le fief de Brunoy est vendu au gardien du Trésor Royal Jean Pâris de MONMARTEL. Ce domaine est érigé en marquisat en 1757. C’est à ce moment que le château féodal au bord de l’Yerres est agrandi, avec la création d’un grand parc comprenant de nombreux bassins appeler les grandes eaux.
A la fin du XVIIIème siècle, le comte de Provence, frère du roi Louis XVI, cherche à s’éloigner de Versailles et à se constituer son propre domaine. Il achète en 1774 Le domaine du marquis de Brunoy.
À la révolution en 1791 le comte de Provence s’enfuit et les révolutionnaires confisquent son domaine qui devient le bien de la nation en 1793. Le domaine du comte de Provence est découpé en six lots vendus séparément. Le grand château est abandonné et sera détruit.
En 1815, après la chute de l’empereur Napoléon premier, le comte de Provence devient roi de France sous le nom de Louis XVIII.
LE PLAN D’INTENDANCE
Les plans d’intendance sont des plans cadastraux des paroisses établis par Louis Bertier de Sauvigny, intendant de la généralité de Paris 1777 à 1789 pour établir une meilleure répartition de la taille*. Ils permettent de connaître le territoire et l’habitat souvent avec une grande précision. Le détail de la topographie des lieux habités, les anciennes routes et les principales cultures y figurent.
*La taille était un impôt direct payé surtout par les paysans, calculé selon leurs terres ou leur richesse et réparti arbitrairement par les collecteurs locaux.

Brunoy – Plan d’intendance fin XVIIIème siècle – Archives départementales de l’Essonne – Cote 91 C1-33

Plan d’intendance – Détail du centre ville – Localisation des parcelles étudiées (cercle rouge)
LE CADASTRE NAPOLÉONIEN
Le cadastre est un système d’évaluation et de définition des propriétés foncières servant de base à l’assiette fiscale de l’impôt foncier et à sa juste répartition. Il indique, pour chaque commune du territoire, l’emplacement, la surface et la valeur de tout bien foncier.
Il se compose d’une documentation particulière :
– le plan parcellaire : découpage de la commune en sections et en parcelles ;
– l’état de section : répertoire des propriétaires au moment de l’établissement du cadastre ;
– la matrice : enregistrement des modifications et des mutations relatives aux biens fonciers.
Le cadastre est instauré sous Napoléon Ier par la loi du 15 septembre 1807 mais sa mise en œuvre a duré jusqu’à 1840 dans certaines communes.
Au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les modifications cadastrales sont portées sur les matrices uniquement. En revanche, les plans, non modifiés, ne sont révélateurs ni de l’évolution du territoire, ni des changements de limites entre parcelles intervenus depuis leur réalisation.
C’est pourquoi, une rénovation cadastrale a lieu suite aux lois des 16 avril 1930 et 17 décembre 1941, qui préconisent la refonte générale des plans et la confection de nouvelles matrices.
LE CADASTRE À BRUNOY EN 1810

Brunoy – Cadastre napoléonien 1810 – Tableau d’assemblage – Archives départementales de l’Essonne – Cote 3P333
Le cadastre de Brunoy se compose de huit sections de A à H.
Matrice des propriétés foncières
Propriétés non bâties

Brunoy – Matrice des propriétés bâties et non bâties : folios 1 à 776 [cadastre rénové en 1972]. Archives départementales de l’Essonne – Cote 3P/2211
En 1812, une récapitulation des contenances et des revenus imposables des propriétés non bâties est faite par nature de propriété. Elles se répartissaient en :
- Terres labourables
- Terre plantées
- Vignes
- Terres à vignes
- Jardins
- Prés
- Bois
- Pâtures
- Pépinières
- Objets d’agrément
- Pièces d’eau empoissonnées
- Oseraies (plantations d’osier)
- Canal d’agrément
- Plantations nouvelles
- Saussaies (plantations de saules)
- Fossés
- Murgets (murets de pierres délimitant les vignes)
- Landes
- Mares
- Sol des propriétés bâties
Pour chaque nature de propriété, il est défini la classe de 1 à 4, la contenance par classe et par nature de propriété, les tarifs des évaluations en mesure locale et en mesure métrique, les revenus imposables par classe et par nature de propriété.
Le total imposable à l’époque du cadastre de 25 525 francs (équivalent à 56 155€)
Le domaine n’était pas imposable.
Propriétés bâties

En 1812 sur la commune de Brunoy, les propriétés bâties et leurs revenus imposables se répartissent ainsi :
- Maisons 12 918 francs
- Pressoirs 100 francs
- Filature 300 francs
- Moulin à eau 2 800 francs
- Moulin à vent 100 francs
donnant le total imposable à l’époque du cadastre : 16 218 et d’après la refonte de la matrice cadastrale : 16 080
Certaines propriétés n’étaient pas imposables :
- le domaine
- les églises et cimetières
- les chemins et places publiques
- des rivières et ruisseaux
- une maison et jardin (non précisé).
PARCELLES N°83 À 95 EN SECTION D – VILLAGE
J’ai choisi de m’intéresser à un ensemble de parcelles au centre de Brunoy, à l’angle des rues du Donjon et du Réveillon, donnant sur la place Saint-Médard.

Brunoy – Cadastre napoléonien 1810 – Section D 1ère feuille – Archives départementales de l’Essonne – Cote 3P338

Détails du plan parcellaire de la section D – Nature des parcelles 82 à 95.
Comparaison de l’ensemble parcellaire étudié, entre les plans cadastraux de 1811 et de 2024.


Les photos ci-dessous sont présentées à titre d’information sur l’emplacement des constructions du début XIXème siècle. Clichés V. Aveneau 2024

N°9, 10 et 11 place Saint-Médard – Bâtiments en correspondance avec la parcelle 95.

Angle de la rue du réveillon et de la rue du donjon – Cliché V. Aveneau

Carte postale environ 1910 – Collection personnelle
N°1 et 3 rue de donjon – Bâtiments en correspondance avec la parcelle 92


N°5, 7 et 9 rue de donjon – Bâtiments en correspondance avec la parcelle 90


LES MATRICES CADASTRALES
Tableau indicatif des propriétaires


Brunoy – Tableau indicatif 1811 – Archives départementales de l’Essonne – Cote 3P2208
Ce tableau indicatif datant de 1811 précise les propriétaires des parcelles en section D à la création du cadastre.
Joseph DELORE
DELORE Joseph, bourgeois à Brunoy possède les parcelles 82 à 89.
Il est maître charpentier et entrepreneur de bâtiments
Sa propriété est composée de jardins, d’une terre plantée, d’un potager et un bâtiment, un jardin d’agrément et une maison.
Il possède également la parcelle 90 se composant d’une maison avec cour et un bâtiment.
Nicolas GUIONNET
Les parcelles 91 et 92, comprenant une maison avec cour et jardin et un bâtiment appartiennent à M. GUILLONNET (ou GUIONNET).
Maître Nicolas GUIONNET notaire impérial à Brunoy de 1788 à 1815 et procureur au baillage.
M. VALLON
De même composition, les parcelles 93 et 94 , comprenant une maison avec cour et jardin et un bâtiment, appartiennent à M. VALLON.
M. VALLON est un bourgeois de Brunoy possède également une pépinière aux hautes bornes, et une autre maison avec jardin aux Beausserons.
Mme Jean Noël GAUTHIER
Enfin la parcelle 95 appartient à la veuve de Jean Noël GAUTHIER avec une maison avec cour et un bâtiment.
Elle est aubergiste à Brunoy. La famille Gauthier dont les hommes sont tous vignerons, a beaucoup de terres et vignes à Brunoy.
L’analyse des matrices de propriétés bâties et non bâties permet d’établir les différentes acquisitions et ventes ou héritages des parcelles avec le noms des différents propriétaires.
Pour exemple celui de M. GUIONNET. Il porte le Folio numéro 173 de la matrice.

Brunoy – Matrice des propriétés bâties et non bâties – Archives départementales de l’Essonne – Cote 3P2211
M. GUIONNET possède un jardin en parcelle 90 et un terrain avec une maison en parcelle 95. Il a acheté ces deux parcelles en 1825.
Elles appartenaient précédemment au folio n°158 : Madame veuve Jean Noël Gauthier.
Au décès de M. GUIONNET , les parcelles ont été achetées par le folio n°134, M. Aimé Joseph LÉLY.
Nota : les lignes barrées correspondent à une vente, le nom barré en diagonal correspond à un décès.
Synthèse de l’analyse des différents folios

Ces éléments permettent de retrouver les actes notariés correspondants, aux archives départementales de l’Essonne. Ces actes comprennent des informations plus précises sur les mutations des parcelles. Cela fera l’objet du prochain article.
C’est pour ainsi dire une mine d’or pour les Brunoyens qui souhaitent en apprendre plus sur leur demeure et les anciens occupants. Peut-être habitez-vous encore dans une maison du XVIIIème siècle. N’êtes-vous pas curieux de connaître son histoire?


6 commentaires
Benoist
Bonjour Veronique, tes articles sont remarquables. Cette genealogie fonciere est passionnante. Je te fais suivre deux articles pour info et avis …
Bon noel et amities.
Xavier Benoist
Noëline Visse
Très bonne idée cette évolution des parcelles. Il est vrai que le cadastre et tous les documents qui en découlent sont une vraie mine d’or.
Hâte d’en savoir un peu plus dans la seconde partie.
COLAS DURRLEMAN
Une démarche originale et très intéressante que cette approche à travers les différents changements de propriétaires connus par une même parcelle sur la longue durée. Merci de nous la faire partager.
Vaveneau
Je vous remercie pour l’attention que vous avez accordée à mon article. Brunoy est un sujet très vaste, et d’autres articles seront publiés prochainement.
Laurence Roulleau
J ai beaucoup apprécié cet article. J’aime voir les évolutions avec les cartes postales anciennes et les photos actuelles.
On apprend vraiment beaucoup de choses ! Merci
Laurence
Vaveneau
Merci Laurence